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Pierre Nkurunziza : Une fin de match pathétique !


Athanase Karayenga

Le voilà. Il est arrivé. Le fameux « jour d’après ». « Le jour d’après… » était évoqué par les prophètes, les philosophes et les poètes pour imaginer le lendemain de la pandémie du Covid-19 dans le monde. « Le jour d’après… » qui vide l’existence de sens. « Ce jour d’après… ». s’est levé au Burundi. Après la disparition « inopinée » de Pierre Nkurunziza.Ce jour inattendu donne le vertige.

Pierre Nkurunziza tire la révérence au moment où le Covid-19 qu’il a nié et qu’il a laissé prospérer s’installe au Burundi. Immense tragédie ! Néanmoins, son décès fouette l’intelligence et réveille les Burundais. Un cauchemar qui a duré 15 ans prend fin et s’arrête brutalement.


La mort « inopinée » de Pierre Nkurunziza rappelle une vérité très banale. Nous sommes tous mortels. Les dictateurs comme leurs victimes forcées de vivre le dos et la tête courbés, le genoux de soumission à terre.


L’humilité provient de la racine latine « humus », la terre où poussent arbres et fleurs. Pierre Nkurunziza était dépourvu de l’humilité qui constitue les humains normaux. Il se plaçait toujours au cœur des événements et des cérémonies. Les projecteurs devaient être braqués constamment et exclusivement sur lui. Quand il dansait, se prostrait pour prier ostensiblement, il était seul sur un tapis rouge écarlate forcément. Lorsqu’il jouait à des matchs de foot, il devait impérativement marquer des buts. Sans adversaire pour le contrer et sans gardien de goal non plus. Les joueurs de ses équipes devaient se montrer respectueux et impressionnés par les performances de son Excellence. Pathétique !


Les vaches, les chèvres, les coqs, les fruits, les tiges de canne à sucre et l’argent et l’argent et l’argent qu’il recevait en abondance de la part de ses obligés fanatisés ne comblaient jamais son appétit d’ogre insatiable. A moi. A moi encore. A moi toujours.


Heureuse coïncidence. L’humilité constitue une part importante de la philosophie bantu, le fameux « Ubuntu » que beaucoup de peuples africains, de l’Equateur au Cap de Bonne Espérance, partagent, comme un héritage commun, avec Nelson Mandela. Ubuntu, chez les Burundais constitue la somme magnifique de toutes les valeurs positives qui construisent l’ADN culturel des Burundais !


La vie de tous les humains, selon cette philosophie d’Ubuntu, devrait être entièrement consacrée à faire du bien autour de soi. A respecter les humains précisément et la nature dont ils font partie intégrante. A se serrer les coudes. A se protéger mutuellement. Selon les principes d’Ubuntu, tous les citoyens burundais, surtout les plus vulnérables, ont droit à la solidarité collective. L’Etat burundais, de ce fait, devrait adopter le slogan des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas : « Tous pour un. Un pour tous ».


Or, c’est exactement l’inverse que Pierre Nkurunziza a fait pour le Burundi. Sous son règne chaotique, d’innombrables Burundais ont été assassinés, emprisonnés, torturés, jetés dans les rivières et les lacs. De nombreuses femmes ont été violées et outragées. Des centaines de milliers de citoyens poussés à l’exil. Des enfants privés d’école et les jeunes de travail.


En revanche, les prédateurs et les rapaces ont fait fortune. Il était plus urgent pour le régime funeste de Pierre Nkurunziza d’acheter des ballons gonflables utilisés au cours des grands messes de la propagande du parti CNDD-FDD que d’équiper convenablement les hôpitaux. 2 Des généraux incompétents et cyniques ont gangréné les institutions de la République. Ils importent des produits pharmaceutiques. D’autres se sont octroyé le monopole de l’approvisionnement de l’armée et de la police en vivres. Une théocratie grotesque nourrie par le fanatisme propre aux sectes religieuses les plus délirantes a défiguré le visage bienveillant de la « res publica ». La chose publique, la République, le Burundi pour tous !


La pauvreté, la maladie ont brisé la population rurale, entre autres. Laquelle subit, en plus, l’intimidation et la persécution quotidienne des imbonerakure. Sinistres fossoyeurs des libertés et des droits des citoyens. Armée de terreur. « Tontons Macoutes » à la solde de Pierre Nkurunziza.


Certes, la famille du défunt et ses proches ont droit à un temps de deuil. Alors respect et décence quand même. Car il ne serait pas digne de danser de joie autour de son cadavre. Cependant, il est légitime que les innombrables victimes de son troisième mandat maudit ressentent du soulagement. Finalement, soupirent-ils, la justice immanente existe ! Au Burundi, elle porte le doux nom de « Justice, Imana-nte, de Justice d’Imana, de Justice de Dieu. » Elle met tous les humains à égalité devant la mort. Hourra !


Ce jour d’après !... Il a un formidable effet curatif et enthousiasmant. Il réveille les citoyens burundais qui vont reprendre le combat pour leurs droits et leur dignité. Le régime décadent de Pierre Nkurunziza leur a volé la victoire acquise lors des élections du 20 mai 2020. Le bulletin dans l’urne aurait pu constituer une formidable solution pour changer pacifiquement de régime et pour sortir le Burundi du chaos institutionnel, de la crise profonde, morale, politique, sociale, économique et maintenant sanitaire. Avec le Covid-19 qu’il n’est plus possible de nier.


Le combat déterminé des citoyens burundais pour leurs libertés inaliénables et leurs droits fondamentaux reprendra vite après l’enterrement de Pierre Nkurunziza. Puisqu’il est impossible d’obtenir un changement politique nécessaire par les négociations, les élections ou même par les armes ! Tout n’est pas perdu cependant. Il existe une panoplie d’outils pacifiques et efficaces que les Burundais pourraient utiliser pour se libérer du joug de la dictature.


Ce jour d’après !.... Il arrive à point nommé pour secouer aussi une certaine classe politique burundaise pourrie par les privilèges et les prébendes, intoxiquée par l’idéologie de la violence, du mépris, de la discrimination et de l’exclusion. Idéologie nauséabonde que Pierre Nkurunziza a fabriquée, nourrie et propagée sans retenue. On se souviendra, notamment, des discours haineux et enflammés contre les membres de l’opposition composée principalement de Hutu, ibipinga, et contre les Tutsi qualifiés de mujeri, « chiens enragés, faméliques et errants ». Le comble de l’infâmie ! La propre mère de Pierre Nkurunziza est Tutsi.


Pierre Nkurunziza avait certainement des qualités humaines. Comme la lune, il avait sûrement sa face éclairée à l’instar de tous les humains. En politique, en revanche, il n’a montré que sa face la plus obscure et la plus terrifiante. Son troisième mandat maudit et inachevé constitue, en particulier, un désastre absolu.


Aussi, l’heure du bilan et du jugement a-t-elle sonné pour Pierre Nkurunziza. Et les premières paroles du chant grégorien chanté au cours de la messe des morts, dans le rite catholique, le « Requiem », ces paroles s’appliquent parfaitement à son bilan politique. « Dies illa, dies irae ». « Ce jour sera un jour de colère.»


Le chant du Requiem se termine d’ailleurs par trois mots qui ont été isolés, « Requiescat In Pace », « Qu’il repose en paix » et dont les initiales ont donné les trois lettres RIP. Les réseaux sociaux les utilisent comme faire-part pour annoncer le décès d’une personne. Alors, oui, RIP, Pierre Nkurunziza. Malgré tout ! Et sans rancune ! 3 Une phrase publiée par le journal Mail & Guardian constitue, sans aucun doute, l’épitaphe le plus approprié pour clore la vie politique de Pierre Nkurunziza.


When we remember Nkurunziza, we should remember him as a leader who ruled with an iron fist that left many dead and made hundreds of thousands flee their own country, even in the absence of an ongoing war. We should remember a cruel and tyrannical leader under whom no one was safe - not even school children.


«Lorsque nous nous souvenons de Nkurunziza, nous devons nous souvenir de lui comme d'un dirigeant qui a régné d'une main de fer qui a fait de nombreux morts et fait fuir des centaines de milliers de personnes de leur propre pays, même en l'absence d'une guerre en cours. Nous devons nous souvenir d'un chef cruel et tyrannique sous lequel personne n'était en sécurité - pas même les écoliers. »


En définitive, Pierre Nkurunziza est mort comme il a vécu sa carrière politique. Il a vécu et il est mort dans le déni, le mensonge, le fanatisme religieux et la cruauté. Son décès « inopiné » rappelle, heureusement, à tous les Burundais qu’il existe un grand arbitre, Imana, rappelé plus haut. Celui-ci peut siffler la fin du match à tout moment. Et il est sain que le match brutal et truqué que jouait Pierre Nkurunziza à Mwumba ou ailleurs se soit arrêté. Afin que le peuple burundais souffle un peu. Et surtout puisse rêver à des lendemains meilleurs, possibles sans lui.


Cependant, il est vraiment dommage qu’il ne soit pas sorti de l’histoire vivant. Car il aurait dû rendre des comptes à la justice pour les crimes monstrueux commis sous son règne et sous ses ordres. En outre, il est dommage qu’il ait raté aussi sa sortie de la vie politique. Car il allait s’imposer comme « le guide suprême et éternel du patriotisme. » Rémunéré à coup de milliards de francs et « ad vitam aeternam ». Imposture, boursouflure !


Dieu, que tout cela est loin et dérisoire maintenant ! Comme le rappelle l’adage latin : « Hic transit gloria hujus mundi ». « Ainsi passe la gloire de ce monde. »


Et pour prolonger les slogans qui ont mobilisé, à travers le monde, des foules révoltées par le racisme abject qui a privé d’air et de vie à George Floyd, « Burundi can’t breathe. » « Le Burundi ne peut plus respirer. » Le Burundi étouffe !


A l’intérieur du pays, dans les villes et les campagnes, dans les prisons, dans les camps de réfugiés à l’étranger et dans la diaspora, des millions de citoyens burundais hurlent à tue-tête. Afin que leurs cris de douleur et d’espoir, malgré tout, soient entendus jusqu’aux confins de l’univers : « Burundians lives matter ! » « La vie des Burundais compte ! »


La vie… mais aussi l’avis des Burundais doivent compter désormais !

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