Président burundais, Pierre Nkurunziza
La France avait fait savoir début 2016 qu’elle avait suspendu sa coopération militaire en 2015, quand le pays plongeait dans une grave crise interne liée aux velléités du président Nkurunziza d’imposer une nouvelle Constitution.
Depuis, celle adoptée en 2018 lui permet de se représenter, mais le despote illuminé a fait savoir dans la foulée qu’il ne comptait pas être candidat à sa propre succession. Nouvelle extravagance de Nkurunziza ? Pas forcément, puisque les termes de cette nouvelle Constitution lui permettent aussi de restaurer une monarchie, ce dont le suspectent de plus en plus opposants et observateurs : son discours lors de la Fête nationale le 1er juillet et les annonces de changements de noms de différents édifices publics et boulevards de la capitale « sont compris comme une volonté de Pierre Nkurunziza d’effacer les trois républiques et célébrer une fois de plus la monarchie.
En mai dernier, il avait ordonné de remplacer la devise nationale "Unité, travail, progrès" sur les monuments nationaux, par la devise royale, "Dieu, le Roi et le Burundi" ».
Le climat de terreur est toujours le même au Burundi et l’Union européenne vient de décider de renouveler ses sanctions, dont la suspension de la coopération de développement du fait des graves violations des droits humains.
… sauf vue depuis Paris
Mais côté français, tout baigne, comme l’a expliqué l’ambassadeur de France au Burundi le 14 juillet : « L’année écoulée a également été celle de la reprise de notre relation bilatérale.
La France a tendu la main aux autorités burundaises et la visite du Ministre des Affaires étrangères Ezéchiel Nigibira à Paris, fin octobre 2018, a débouché sur la reprise progressive d’une coopération dans le domaine de la défense ». Outre cette reprise de la coopération militaire alors que la situation est toujours aussi grave, le diplomate a salué « la reprise de notre dialogue politique [qui] pourra s’épanouir pleinement une fois passées les échéances électorales à venir ».
Selon lui, Emmanuel Macron a d’ailleurs écrit à Pierre Nkurunziza quelques jours plus tôt que « la France sera à vos côtés lors de cette échéance majeure, qui sera une occasion de renforcer votre dialogue avec l’opposition et l’ensemble des forces vives de la société burundaise.
Votre décision de ne pas vous représenter à un nouveau mandat en 2020, ainsi que l’agrément donné au Congrès National pour la Liberté sont autant de mesures fortes qui témoignent de votre engagement à ce sens. (…) Je reste en effet convaincu que la tenue d’élections libres et transparentes sera l’occasion de tirer un trait définitif sur la crise politique ouverte en 2015 ».
Cette dernière phrase, prise hors contexte, pourrait satisfaire quelque vision généreuse (mais naïve) de la politique étrangère tricolore. Mais là encore l’expérience françafricaine offre une lecture plus précise : que Nkurunziza reste ou non au pouvoir, et surtout que la terreur se prolonge ou non, il faut juste à la diplomatie française un simulacre d’élections sur lequel s’appuyer pour resserrer des liens, quitte à fragiliser les positions européennes.
Dialogue de sourds
En off, des diplomates français ne se gênaient pas pour critiquer la rupture du « dialogue » et la suspension de la coopération militaire avec le Burundi : l’aggravation de la situation depuis 2015 montrait, selon eux, que ce type de sanction diplomatique n’avait aucun intérêt, prétendant ainsi justifier par exemple le maintien de la coopération militaire avec un régime camerounais en guerre contre sa population anglophone.
Un raisonnement qui oublie que depuis bientôt trois décennies que la France prétend privilégier le dialogue avec les différentes dictatures du continent pour « passer des messages », la situation ne s’y est pas plus améliorée : bien au contraire, les régimes en place comme leur opposition ont eu la garantie que Paris ne lâcherait pas ses alliés, contribuant à figer ces régimes modèles de « stabilité ».
Dans les choix diplomatiques vis à vis de la Guinée et du Burundi, Emmanuel Macron et ses ministres n’innovent pas, une fois de plus.