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  • MUTAGA Pierre-Claver: pcmutaga@ymail.com

Un pouvoir qui affame son peuple pour ensuite l'asservir


Nkurunziza distribue une aide aux fidèles de son parti le CNDD-FDD

1ère Partie

 

La situation socio-économique du Burundi à la veille des élections en 2020 est inquiétante. Une population appauvrie, dont plus des deux-tiers sont dans une extrême pauvreté, un chômage qui touche plus de 65% des jeunes, une insécurité alimentaire généralisée, des fonctionnaires qui ne parviennent plus à nouer les deux bouts du mois, un secteur public en déconfiture, tandis que le pouvoir en place terrorise, opprime et tue son peuple. Ces tendances font peur et inquiètent. Les burundais et la communauté internationale devraient être interpellés et identifier des mécanismes appropriés pour rétablir la paix au Burundi et retrouver la voix vers la relance économique.

 

BURUNDI : UN PEUPLE PAUVRE ET AFFAME

Commençons cet article par cette anecdote qui a été racontée sur Hitler :

« Dans une de ses réunions, Hitler a demandé qu`on lui apporte un poulet. Il l`a attrapé fort avec une des mains pendant qu`il la plumait avec l`autre. La poule, désespérée de la douleur, a voulu fuir, mais elle n`a pas pu.

Ainsi, Hitler a pris toutes ses plumes en disant à ses collaborateurs :

  • Maintenant, regardez ce qui va se passer.

Hitler a lâché la poule sur le sol et s`est éloigné d`elle.

Il a pris une poignée de grains de blé, a commencé à marcher dans la pièce et à jeter les grains de blé au sol, tandis que ses collaborateurs voyaient, hantés, comment la poule, effrayée, douloureuse et saignante, courait après Hitler et essayait de saisir quelques miettes. En tournant dans la pièce.

La poule le suivait fidèlement partout.

Alors Hitler a regardé ses acolytes, qui étaient tout à fait surpris, et leur dit :

  • Ainsi, facilement, on gouverne les idiots. Vous avez vu comment la poule m`a suivi, malgré la douleur que je lui ai causée ? Je lui ai tout pris…, les plumes et la dignité, mais elle me suit quand même en quête de remoulages. Ainsi, c`est la plupart des gens, ils suivent leurs gouvernants et politiciens, malgré la douleur que ceux-ci leur causent et, même lui ôtant la santé, l`éducation et la dignité, par le simple geste de recevoir un avantage bon marché ou quelque chose à se nourrir pour un ou deux jours, le peuple suit celui qui lui donne les miettes du jour ».

L`image est certainement poignante et cynique. Mais elle traduit une réalité de nombreux pays africains, dont le Burundi.

Une Pauvreté Extrême…

Ce n`est plus un secret de polichinelle, le Burundi est devenu le pays le plus pauvre du monde, avec presque 8 habitants sur 10 vivant en dessous du seuil extrême de pauvreté. La croissance économique, proche de zéro, ne permet aucune perspective positive pour l`avenir, ni pour les jeunes qui souffrent d`un chômage important, ni pour les populations rurales, dont 2 millions souffrent d`insécurité alimentaire. Encore moins pour les fonctionnaires, dont les maigres salaires ne permettent plus de faire face aux besoins les plus élémentaires, ni pour les enfants, pour lesquels 6 sur 10 présentent un retard de croissance à cause de la malnutrition et que 40 pour cent souffrent de paludisme, tandis que la situation financière du pays est devenue intenable.

Une agriculture abandonnée

La production vivrière a baissé de plus de 35% au cours des trois dernières années, ce qui a alourdi fortement le bilan des victimes de l’insécurité alimentaire, et engendré la hausse des prix des denrées alimentaires sur les marchés locaux. La paupérisation des populations s’est aggravée du fait des conflits et exactions commises par les forces de l`ordre et les milices du pouvoir, violences et déplacement massifs de population. Des facteurs qui ont grandement contribué à l’insécurité alimentaire. Autrefois structurée et sous contrôle gouvernemental, la filière agricole a été déstructurée par les conflits, rendant l’accès aux intrants (semences, engrais…) difficile.

Des secteurs de l`éducation et de la santé souffrants

Le secteur de l`éducation souffre énormément de la baisse des budgets alloués à ce secteur, les problèmes structurels, de sous-équipement, de sous-encadrement et de surpeuplement des classes, tandis que de nombreux établissements scolaires ont drastiquement réduit ou supprimé la distribution de nourriture aux élèves.

A l’université du Burundi, les étudiants peinent à faire face à toutes leurs dépenses avec la petite bourse qui leur est octroyée, alors que tous les frais d’études ont augmenté : de la location d’une chambre d’étudiant aux diplômes, en passant par la restauration.

Dans le secteur de la santé, la situation s`est également détériorée. Le système public d’approvisionnement en médicaments a été perturbé, faute de ressources financières suffisantes, et le mécanisme national d’achat de médicaments n’est plus en mesure d’approvisionner correctement les centres de santé. La mauvaise gestion dans le secteur public n`a pas épargné le secteur de la santé. L`on se rappellera du cas de retrait, en octobre 2017, de la gestion des subventions de 72 millions de dollars, accordés par le Fonds Mondial de Lutte contre le Sida au Gouvernement, pour cause de mauvaise gouvernance et gestion frauduleuse.

Des ménages en souffrance

La hausse des prix des produits de base et la baisse des revenus ont renchéri davantage le coût de la vie. Les ménages sont au désespoir. Ceux qui le peuvent courent à droite à gauche pour voir s`il y a moyen de trouver quelques revenus complémentaires. Des femmes qui ne travaillaient pas, se lancent dans le petit commerce. Des fonctionnaires s’absentent pour trouver des activités d’appoint sans que leur hiérarchie puisse leur en tenir grief (des chauffeurs dans des organismes publics font le taxi pendant leurs heures de travail, par exemple). « La loi est là, mais ce n’est pas facile de punir un homme qui affirme avoir été absent parce qu’il n’avait pas à manger »[1].

Des emprunts sont contractés auprès d’organismes de microcrédit ou d’amis proches et auprès des commerçants, notamment par les fonctionnaires qui touchent leurs salaires en retard.

Les ménages qui épargnaient un peu chaque mois n’y arrivent plus ; beaucoup doivent supprimer les dépenses « superflues », au premier rang desquelles les loisirs, les visites de famille en province pour ceux qui vivent à Bujumbura, etc. De nombreux ménages sont contraints de se priver aussi de nourriture et de médicaments. Quand la privation et la débrouille ne suffisent plus, il faut adopter des stratégies de réduction drastique des dépenses.

Certains ruraux, venus tenter leur chance dans la capitale, doivent repartir sur les collines. Les salaires des fonctionnaires ne suivent pas l’inflation et sont versés en retard. L’appauvrissement des fonctionnaires, qui étaient des privilégiés avant la crise, se répercute sur l’ensemble du corps social. Ceux qui perçoivent un salaire doivent supporter une frange de plus en plus importante de chômeurs et les familles dans les villages.

Une jeunesse oubliée et manipulée

Au Burundi, 66 % de la population a moins de 25 ans. Ils sont omniprésents, et pourtant largement ignorés par les politiques publiques. La croissance économique, proche de zéro ne permet pas d`offrir des emplois aux jeunes, encore moins la résorption de la pauvreté, et le taux de chômage des jeunes représente 65%, ce qui est préoccupant.

Pour les jeunes Burundais, la précarité est la norme et le manque de perspective le lot commun. En situation de dépendance financière, en proie à toutes les tensions, ils sont potentiellement à la merci de manipulations de la part des acteurs politiques, qui les poussent à la violence en échange de gratifications financières.

[1] International Crisis Group, decembre 2017

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