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  • FRANCIS ROHERO

L’histoire du Burundi et les lettres pastorales: Les burundais, sommes-nous amnésiques?


Les évêques de l’église catholique du Burundi

 

Francis Rohero est actuellement le leader du mouvement orange.

Il travaille a l'université du Burundi

Il est ancien conseiller du Vice Président de la République

Il a etudie la Philosophie au Grand Séminaire de Burasira et Bujumbura, puis les Sciences économiques a l'Université de Yaoundé II

Il a écrit ce texte au début de la crise politico-sécuritaire qui secoue le Burundi depuis en 2015

 

Je pars juste de notre petite histoire des dernières 22 années depuis le 21 octobre 1993. Je vais essayer de rappeler les différents moments qui ont attiré l’attention de la conférence des évêques, arrivant à la production de Lettres Pastorales.

En 1993 le Burundi comptait une seule province ecclésiastique, c'est-à-dire un seul archevêque dans un total de 7 diocèses. Aujourd’hui il y a deux provinces ecclésiastiques de quatre diocèses chacune. Pour les amateurs de l’ethnisme, en 1978 sur 7 évêques, il y’avait 6 tutsi et 1 hutu, en 1981 : 5 tutsi et 2 hutu, en 1989 : 4 tutsi et 3 hutu, en 1996 : 3 tutsi et 4 hutu, en 1999 : 2 tutsi et 5 hutu ; et depuis 2007 sur 8 évêques 2 tutsi et 6 hutu. Les évêques du Burundi sont tous burundais depuis 1973, date du départ du dernier évêque blanc.

Les évêques peuvent, comme tous les burundais, s’exprimer sur l’un ou l’autre fait de la société. Ils peuvent avoir des ambitions comme tout le monde, mais je crois que celle de la paix pour tous, reste la plus remarquable. Quand ils s’expriment dans leur collège sur des faits précis, sur base de l’enseignement catholique, on parle de « lettre pastorale ». Qu’ils soient à majorité tutsi ou hutu, leur appréhension dans les lettres pastorales n’a pas changé depuis quatre décennies. Ceci est un fait.

Je me suis amusé à feuilleter les lettres pastorales depuis vingt ans et j’ai le regret de dire que les burundais, sommes amnésiques pour nos préférences politiques. Malheureusement les partis politiques passent plus vite, ils risquent de ne survivre après trois mandats, pourtant les communautés religieuses resteront et surtout la grande Eglise catholique.

A titre illustratif je vous rappelle : En 1986, la conférence des évêques attire l’attention sur les dérives dictatoriales du Président de la République Jean Baptiste BAGAZA. La suite est connue de tous.

En 1993, la conférence des évêques a apaisé la population en toute absence de l’administration. Des religieux et religieuses de toutes ethnies ont été la cible des violences et tueries comme tous les burundais, mais le collège épiscopal n’a jamais versé dans l’exclusion ni cautionné la balkanisation. En 1994, elle s’est exprimée sur les villes mortes et appelé les jeunes à la réconciliation, en 1995 et 1996 elle a condamné les massacres de l’Université et les différentes attaques des militaires et des rebelles dans la population sur tout le territoire.

En 1997, après la reprise du pouvoir par Pierre BUYOYA, elle a été la première a exigé une possible négociation entre l’armée burundaise de l’époque et les groupes armés.

A ce moment la communauté tutsi en générale, l’armée burundaise, les partis politiques pro-tutsi ont traité cette conférence des évêques de traître, ils ont osé accuser les tutsi qui étaient dans la conférence d’être manipulés par Ntamwana et consort. Cette conférence faisait à ce moment la fierté des rebelles et des hutu en général, croyait-on.

En 2000, elle a félicité les signataires de l’accord d’Arusha, tout en signifiant le souhait que les rebelles soient associés. A ce moment certains partis politiques pro-hutu G7 n’ont pas accueilli cela d’un bon œil. Durant tout le processus, jusqu’à la signature des accords de cessez le feu en 2003, la conférence a été citée par les belligérants comme ayant été un parent de taille. Et le Burundi est entré dans une nouvelle ère démocratique au respect d’une nouvelle constitution et de nouvelles institutions, et le nouveau gouvernement n’a jamais cessé de remercier l’Eglise pour sa parfaite collaboration.

Et alors viendra d’autres sujets ! Comme à une époque, des cas d’insécurité, de gouvernance controversée, de justice discutée, des procès qui finissent en queue de poisson, …

En 2010, la conférence des évêques appelle à un apaisement après les élections, elle signifia le bon déroulement de ces dernières malgré quelques irrégularités qui ne pouvaient entacher les résultats du scrutin. En 2012, elle appela les politiciens au respect mutuel, tout en critiquant un état de cupidité de certains politiciens qui visiblement étaient entrain de faire basculer le développement de la population.

En 2015, elle vient de signifier sa position sur les mandats présidentiels.

Sans retournement, les mêmes causes produisant les même faits, le parti au pouvoir et beaucoup de ceux qui se disent aujourd’hui plus que jamais hutu, la question est : « où étaient ces évêques quand on souffrait ? » « Ils sont manipulés par Ngoyagoye, ils ne doivent pas faire de la poilitique ».

Apparemment la conférence des évêques fait la fierté des opposants actuels. Nous les burundais, refusons de voir les faits, pourtant ces faits reviennent et reviendront tant qu’on ne peut et veut prendre au sérieux les solutions à nos problèmes. La position de la conférence sera la même peut importe que vous changiez de camp.

Ce pays a de la chance d’avoir des évêques, tutsi et hutu, distincts dans leur imagination, mais qui savent comprendre que réuni en collège, ils peuvent agir pour le peuple. Malheureusement ils parlent très bien, mais ne décident pas. Telle est leur force et leur protection.

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