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Un régime au bout du souffle: la réalité économique rattrape le régime de Nkurunziza


Pierre Nkurunziza, président burundais

 

Il n’y a plus d’approche nuancée en matière de diplomatie. Le régime hurle des insultes contre toute critique. Seule l'adulation du leader, le visionnaire et guide éternel - titre donné au président Nkurunziza par son parti- est considérée comme digne d'une réponse positive ou appropriée.

 

Selon des sources officielles, il n'y a pas de crise au Burundi. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

L’unique ombre au tableau vient de l’ingérence étrangère. C’est ainsi qu’il est constamment rétorqué à toutes les personnalités étrangères et à toutes les organisations internationales ou locales qui daignent exprimer leurs préoccupations face au gâchis structurel manifeste dans les domaines tels que la santé, la sécurité …que le Burundi est doublement indépendant et paisible.

Il ne s'agit pas simplement d'un rappel anodin, mais souvent d'une salve d'insultes ou de joutes injurieuses généralement distillées par voie officielle et amplifiées par un flux de trolls sur les médias sociaux, notamment Twitter.

En effet Gitega, nouvelle capitale politique du Burundi, ne s’embarrasse plus de circonlocutions. Soit vous êtes avec les autorités burundaises, soit vous êtes contre elles.

Il n’y a plus d’approche nuancée en matière de diplomatie. Le régime hurle des insultes contre toute critique. Seule l'adulation du leader, le visionnaire et guide éternel - titre donné au président Nkurunziza par son parti- est considérée comme digne d'une réponse positive ou appropriée.

Un comportement erratique qui trahit le désespoir du régime

Au départ, le régime semblait avoir choisi une position diplomatique défensive. Mais le régime se rapproche de plus en plus de l’axe des Etats voyous. L'ordre international n'a plus d'importance pour Nkurunziza et sa clique.

Aucun dignitaire étranger n'est à l'abri d'insultes, aucune organisation internationale n'est à l'abri de mépris. Si quelqu'un franchit les lignes rouges de ce régime, il est assailli d'insultes.

Willy Nyamitwe, conseiller principal chargé de la communication à la présidence du Burundi

 

La virulence a ensuite dégénéré et est devenue la stratégie de communication officielle. Le but semble avoir été d’humilier ces donateurs afin de les pousser à revenir sur leur décision de geler l'aide.

 

Ceci n'est pas un comportement d'un état stable ou d'un régime stable.

A partir de 2015, l'économie est à genoux. La croissance économique est négative depuis 4 ans. En parallèle à cette dépression économique, la croissance de la population a continué à exploser, sans contrôle. Même avec une croissance supérieure à la moyenne, l'économie ne pourrait pas suivre la croissance démographique du pays.

L’économie du Burundi, comme la plupart des autres économies d’Afrique subsaharienne, a toujours été tributaire de l’aide étrangère.

Mais depuis 2015, cette aide a tari, principalement à cause des sanctions imposées au régime burundais par l’Occident, en l’occurrence l'union européenne, son principal bailleur de fonds.

Il est clair que le régime a sous-estimé la durée des sanctions. Alors que, dans les premiers mois de la crise, les discours officiels du régime étaient plus ou moins modérés, très rapidement, peut-être après avoir appris la véritable détermination de ses partenaires à appliquer rigoureusement les sanctions prises jusqu'à la fin des violations des droits humains dont le pays est devenu le théâtre, le parti au pouvoir a commencé à publier des communiqués réguliers et incendiaires.

La virulence a ensuite dégénéré et est devenue la stratégie de communication officielle. Le but semble avoir été d’humilier ces donateurs afin de les pousser à revenir sur leur décision de geler l'aide.

Manifestement, cette stratégie a été contre-productive. Aujourd'hui, tout laisse à penser que le régime entre dans une nouvelle phase et pourrait bientôt sombrer et atteindre la zone de non-retour. L'économie est pratiquement au point mort. La plupart des acteurs productifs et entreprenants de la population ont fui le pays. Ceux qui restent hésitent encore à faire des investissements importants dans le pays.

Les seules sources stables de revenues dont dispose le régime sont les fonds qu’il retire du salaire de chaque soldat envoyé en mission de maintien de la paix. Le Burundi a envoyé des soldats en Somalie et est en fait le deuxième plus grand contributeur de soldats dans cette mission de l'UA après l'Ouganda.

L'autre source de flux d'argent provient des envois de fonds par une diaspora croissante qui envoie régulièrement de l'argent à leurs familles restées au pays. Cependant, cette source de revenus n’atteint généralement pas sa pleine capacité. Les membres de la diaspora, même ceux qui soutiennent avec ferveur le régime, envoient le strict minimum pour aider les familles dans le besoin. Ils restent réticents à investir dans le pays.

Dans l’état actuel des choses, l’économie est en chute libre. L'inflation atteint les 30% et le franc burundais a perdu 40% de sa valeur par rapport aux monnaies des pays de la région. Un dollar est officiellement échangé contre 1890 francs burundais, mais le billet vert est échangé sur le marché informel contre plus de 3000 francs burundais.

La panique s'installe

Comme toutes les autres dictatures, le régime de Nkurunziza semble vouloir s'appuyer sur une autorité forte pour plier les règles d'une économie libre à sa volonté. Dans le but de renforcer ses coffres, les ONG internationales et les ONG locales financées par des bailleurs internationaux ont été contraintes de déposer leurs dollars et leurs euros à la banque centrale.

Le régime vient d'annoncer des mesures très contraignantes pour contrôler tous les dollars et les euros en circulation dans le pays. Les propriétaires d'entreprise ne sont plus autorisés à prendre plus de 5 000 dollars pour payer leurs importations de marchandises. Auparavant, ils pouvaient avoir accès à 40 000 dollars.

Cette mesure va effectivement "tuer" le peu d’activité économique qu’il y avait encore dans le pays. Le régime semble sacrifier toute croissance économique pour garder des fonds pour les biens essentiels comme les médicaments, le carburant et bien sûr des munitions pour soutenir et nourrir sa brutalité.

Jusqu'à présent, le pire a été évité. Les fonctionnaires ont jusqu'ici été payés régulièrement. Cela a nécessité de gros sacrifices, comme la vente du riz offert par la Chine et le Japon pour financer les salaires.

La plus importante source de fonds reste pour le moment l’argent reçu de l’UA et versé par l’UE aux soldats que le régime a envoyés dans les missions de maintien de la paix. Sans la moindre surprise, les recettes internes provenant des impôts ont stagné faute d'une activité économique dynamique.

Avec une économie qui continue de se contracter, il est clair que le régime s'efforce de conserver sa petite quantité de devises étrangères dans le pays jusqu'au jour du scrutin. Il est également évident que ces élections sont davantage riches de symbole pour le régime qu’elles ne le paraissent à prime abord.

Les élections de 2020: la survie du régime

Bien que le régime répète qu'il dispose de fonds suffisants pour les élections de 2020, il est clair que ce n'est pas vrai. L'argent recueilli par les contributions populaires forcées n'est pas assez pour financer les élections; et l’État n’a manifestement aucun moyen de payer la part qui manque encore.

Le régime compte clairement sur ces élections pour mettre fin à la situation de crise et pour que l'aide étrangère parvienne à nouveau dans ses coffres. C’est la principale raison selon certains observateurs qui a poussé le régime à approuver le parti d’Agathon Rwasa.

C'est même pour cette raison que le gouvernement a fait des ouvertures à l'opposition avec laquelle il avait refusé de dialoguer.

Les émissaires de Nkurunziza ont récemment rencontré à Nairobi ce qui reste du CNARED. Bien qu'il s'agisse d'une mesure calculée visant à apaiser l'Union européenne, le régime ne semble pas vouloir aller au-delà des discussions, principalement avec d'anciens membres du parti au pouvoir qui se sont exilés après s'être opposés au troisième mandat de Nkurunziza.

La véritable opposition est toujours infréquentable, aux yeux du régime qui considère toujours ses opposants comme des criminels auxquels il ne parlera jamais. Il souhaite que seuls les anciens membres du parti au pouvoir rentrent au Burundi dans l'espoir que l'Union européenne et d'autres donateurs de l'aide y voient un geste de bonne volonté de sa part.

La véritable opposition ne fait que commencer son action politique et la crise est loin d'être terminée, même avec les élections

Désireux de plaire d'un côté à ses membres qui ont subi un lavage de cerveau en leur faisant croire que le Burundi est financièrement indépendant, et d'autre part à des donateurs qui veulent voir les opposants autorisés à rentrer dans leur pays, le régime se place sur une corde raide.

Emery Igiraneza, président du mouvement politique MAP-Burundi Buhire

Il a stratégiquement choisi des membres de l'opposition qui sont acceptables pour les faucons et extrémistes du parti au pouvoir et est prêt à les laisser revenir dans leur pays. Mais il a gardé la plupart d'autres opposants dans une sorte de "no man's land" politique.

Cependant, une opposition plus dynamique et plus organisée vient de voir le jour. Un mouvement citoyen appelé MAP-Burundi Buhire a récemment annoncé sa présence sur la scène politique. Depuis l'annoncé de son entrée dans le jeu politique, ce mouvement semble être une entité très compétente et bien organisée tant et si bien que le régime aura du mal à le corrompre pour provoquer son implosion comme il semble l'avoir adroitement fait avec d'autres organisations de l'opposition.

Une autre distinction que ce mouvement semble avoir est sa maîtrise des principes centraux des accords d'Arusha, y compris ses lacunes. Avoir une vision inclusive et noble pour le pays est une autre force de ce mouvement qui peut changer le jeu et donc tous les calculs faits par le régime jusqu'à présent.

Avec une opposition nouvelle et dynamique, des élections qui restent difficiles à organiser, une économie qui risque de s'effondrer même avant ces élections, le régime semble batailler ferme dans l'espoir que tous les calculs aboutissent comme prévu.

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