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FULVIO BELTRAMI

Une lutte latente pour le pouvoir au sein du CNDD-FDD aggravée par l'effondrement de l’économie


Nkurunziza Pierre lors d'une fête officielle. Photo @Reuters

 

L'économie du pays est en train de s'effondrer et cette situation désastreuse ouvre de graves conflits entre les différentes forces au sein du CNDD-FDD et entre les organisations politiques hutues, surtout celles qui souscrivent a l’idéologie du Hutu Power. Pour le moment encore latents, ces conflits pourraient être le prélude à une lutte sanglante pour le pouvoir, surtout dans la perspective des élections présidentielles de 2020.

 

Quand on fait un examen superficiel de la situation politique au Burundi, le régime du parti au pouvoir, le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie - Forces de défense de la démocratie) et le dictateur Pierre Nkurunziza semblent tenir la situation en main: les médias indépendants ont été éliminés, les dirigeants de l'opposition et de la société civile contraints à l'exil ou assassinés, la minorité tutsie prise en otage. Le pouvoir absolu et pensée unique consolidés tandis que l'isolement diplomatique est contrebalancé par les alliés: la Chine, l'Egypte, la France, la Russie et la Tanzanie. Des offensives militaires des groupes rebelles comme les FNL, FOREBU, RED Tabara rendues presque impossible lorsque le champ de bataille a été déplacé au Sud-Kivu, au Congo. Voila en bref ce qui semble être une situation bien maîtrisée mais qui en réalité n'est pas le cas.

En plus il y a d'autres éléments qui semblent contribuer au maintien du pouvoir par le CNDD-FDD, le danger de guerre contre le Rwanda à l'époque avait été évité grâce au soutien diplomatique régional de la Tanzanie et de l'Ouganda et aux offensives militaires des terroristes des FDLR contre le Rwanda, qui ont forcé le gouvernement de Kigali à se mettre en position de défense. Tous ces éléments constituent d'excellentes bases de propagande pour les élections de 2020, qui serviront à consolider la perpétuité du régime de Nkurunziza.

L'économie va jouer un rôle décisif dans le destin du régime

Comme ce fut le cas au Rwanda en 1994, les facteurs économiques jouent un rôle décisif dans le destin du régime et du pays en général. L'économie burundaise est moribonde. Les sanctions économiques et la suspension de l'aide humanitaire décidées par l'Union européenne plongent le Burundi dans une crise économique sans issue.

Les nouveaux alliés que le régime côtoie ne représentent pas une alternative valable ou viable. La Chine n'offre que quelques millions de dollars, rien que pour juste maintenir le régime en vie. La France se concentre sur l'aide militaire. La Russie considère le Burundi comme une terre de conquête. Les entrepreneurs russes ne sont intéressés que par le vol de ressources naturelles et par le commerce lucratif de la contrebande de minéraux précieux en provenance du Congo, géré les terroristes FDLR et quelques généraux forts du CNDD-FDD.

Les seules sources restantes de devises fortes proviennent des soldats burundais qui prennent part dans l’opération de maintien de la paix de l’ONU - Union africaine en Somalie et du flux monétaire envoyé par la diaspora burundaise. Ce sont des sources instables. En juin dernier, les Nations Unies ont réduit le nombre de soldats burundais au sein de l'AMISOM, tandis que la diaspora envoie le minimum nécessaire pour la survie de leurs familles restées au Burundi.

On parle de la découverte de gisements d'or, de coltan, de cassitérite, de nickel, de terres rares qui pourraient constituer une nouvelle source de revenues. Le gouvernement a soumis à la CIRGL (Conférence internationale pour la région des Grands Lacs) des demandes de certification de l'origine de ces minéraux. Cependant, une question se pose: ces mines existent-elles vraiment ou s'agit-il d'un moyen de recyclage des minéraux du Congo pour les faire passer pour des minéraux burundais?

Les seuls gisements certains sont ceux de nickel et de terres rares. Pour d'autres minéraux, l'étendue réelle des dépôts n'est pas connue. Meme si leur existence réelle, aucun entrepreneur étranger n'est intéressé à investir. Les raisons en sont évidentes: instabilité politique, sanctions européennes et manque d’infrastructures (comme infrastructures électriques) adéquates pour faciliter l'exploitation. Même la Chine n'investit pas, préférant attendre des temps meilleurs. Les seuls investissements, à fort contenu spéculatif, sont garantis par des entrepreneurs russes, de vrais pirates.

L'inflation a atteint 30%, tandis que le franc burundais a perdu 40% de sa valeur au cours des six derniers mois par rapport au dollar américain et à l'euro. Nkurunziza et le CNDD règnent sur un pays épuisé, affamé, sans perspectives d’investissement et sans réserves de devises fortes.

La Banque centrale ne dispose que de trois semaines de réserves en devises fortes pour payer les importations. Il y a une pénurie chronique de carburant et de médicaments dans le pays. En pratique, Nkurunziza règne sur la pauvreté absolue. Cette situation désastreuse ouvre de graves conflits entre les différentes forces au sein du parti au pouvoir et au sein de la coalition de l’idéologie Hutu Power.

La conflictualité reste à présent latente, mais elle pourrait être le prélude à une lutte sanglante pour le pouvoir et la suprématie entre les forces sur le terrain qui sont souvent antagonistes.

Pierre Nkurunziza et Denise Nkurunziza

La famille Nkurunziza semble avoir le contrôle du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, et par extension du pays. Le seul problème qui se pose pour eux est comment maintenir ce contrôle. En décembre 2018, le dictateur a déclaré son intention de ne pas se présenter aux élections présidentielles de 2020. S'agit-il la d'une faute forcée par l’anxiété cause par une pression externe qui est entrain d’écraser l’économie du pays ou d'un positionnement stratégique?

Cette déclaration a été précédée par la tentative de passer les rênes du pouvoir à Denise Nkurunziza (juillet 2018); une tentative qui s'est heurtée aux obstacles importants au sein du CNDD-FDD. L'option reste toujours valable, mais de plus en plus difficile à mettre en œuvre. Pour le plan B, Nkurunziza essaie de créer des conditions et un mythe royal pour se proclamer roi le moment venu, créant ainsi un royaume hutu pour remplacer l'ancienne République (qu'il considère comme une création de tutsi-hima de Bururi). La réalisation de ce projet reste difficile en raison de la folie et de l'anachronisme intrinsèques de ce plan politique. Pour Nkurunziza, il ne semble pas exister d'autre solution qu'un quatrième mandat présidentiel.

Pour le moment, le dictateur préfère ne pas désavouer ouvertement les promesses faites en 2018 de ne pas se présenter pour un autre mandat présidentiel, mais il agit dans les coulisses pour faire passer sa candidature aux élections sous la carte de volonté populaire. Il a créé un mouvement de fidèles (surtout parmi les miliciens Imbonerakure) qui mènent une véritable campagne pour demander au "président" de se présenter aux élections de 2020.

Les trois pôles de pouvoir du CNDD-FDD

Le CNDD-FDD semble être un parti monolithique sous le contrôle de Nkurunziza. En réalité, c'est un parti divisé entre trois principaux courants opposés. Le premier est contrôlé par les Nkurunziza (Pierre et Denise), le second par le chef des forces armées, le général Prime Niyongabo, et le troisième par le ministre de la Sécurité et de la Police nationale, Alain-Guillaaume Bunyoni. Ce sont trois véritables centres de pouvoir en concurrence les uns avec les autres.

Chacun prend soin de ses propres intérêts et n'hésite pas à commettre des atrocités inouïes sur la population pour affirmer son contrôle et sa domination. Bunyoni a remplacé le général Adolphe Nshimirimana, tué en août 2015 (probablement par Nkurunziza). Le courant ne passe pas entre Bunyoni et Nkurunziza, mais les deux ont atteint un rapport de forces qui ne leur permet pas de s'imposer l'un contre l'autre. Afin de ne pas finir comme Nshimirimana, Bunyoni s'est associé au groupe terroriste rwandais, les FDLR. Astucieux et féroce, Bunyoni semble attendre le bon moment pour se débarrasser de son rival et vice versa.

Le général Niyongabo a toujours été contre l'alliance recherchée par Nkurunziza et les FDLR, qu'il considérait comme une véritable ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Burundi. Après avoir échappé à une attaque en septembre 2015 (peut-être organisée par Nkurunziza lui-même), Niyongabo a adopté une politique prudente, évitant les conflits ouverts avec le dictateur et les FDLR.

Il se concentre sur le renforcement des services de l'armée qui lui sont loyaux et opposés à l'ingérence des terroristes rwandais, dans l'attente du moment le plus propice. Niyongabo est également en conflit avec Bunyoni, une autre raison qui a provoqué l'alliance avec les FDLR de ce dernier.

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