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  • FULVIO BELTRAMI

Burundi: le dilemme de Nkurunziza et de ses anciens parrains occidentaux (1ère Partie)


Auteur: FULVIO BELTRAMI-

Fulvio Beltrami est un journaliste indépendant et reporter sur l’Afrique de l'Est pour les journaux italiens L'Indro et ReteLuna. Il est basé à Kampala en Ouganda

Pierre Nkurunziza, professeur d'éducation physique, est passé de "seigneur de la guerre de brousse", condamné à mort pour crimes contre l'humanité et tentative de génocide, à un "respectable" président de la République. Son accès à la haute fonction de l'État n'a pas ete obtenu par le biais d'une "guerre de brousse" (guérilla) victorieuse contre un régime dictatorial, comme ce fut le cas pour ses homologues Yoweri Kaguta Museveni en Ouganda ou Paul Kagame au Rwanda.

À la tête des milices rebelles alors appelés FDD et branche armée du CNDD, Nkurunziza a semé la terreur et massacré des civils sur les voies publiques et dans leurs maisons mais n'a jamais réussi à vaincre l'armée régulière ni capturer un seul mètre carré de territoire.

Les accords de paix d'Arusha, promus par la communauté internationale, lui ont permis d'entrer au pouvoir sans avoir gagné la guerre civile et sans s'être présenté à la volonté populaire dans les urnes. Il a été élu président par les membres du Parlement, qui avaient assumé les fonctions de collège électoral le 19 août 2005 et assumé les fonctions de chef de l'État le 26 août.

Les cinq premières années de son mandat lui ont permis de structurer un système oligarchique et ethnique prenant progressivement le contrôle du pays. Son parti, le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD), est devenu initialement un parti populaire avec une présence répandue sur le terrain avant de se transformer en un parti unique qui s'impose, non par consensus populaire, mais par la terreur et par peur des représailles.

Alors que les promoteurs de la paix d’Arusha étaient convaincus qu’ils pouvaient le guider pour contrôler avec responsabilité la période post conflit (conviction également partagée par le président Museveni qui fut le médiateur dans le conflit burundais aux côtés de Nyerere et Mandela), Nkurunziza a été renforcé par la machine répressive qu'il a mise en place et a réussi à atteindre les premières élections post-conflit (2010) avec un contrôle de la population basé sur la terreur, transformant ainsi des élections libres et transparentes en une farce factice à laquelle l’opposition n’a pas participé. Les cinq autres années du second mandat présidentiel ont été une opportunité pour le CNDD-FDD de s'assurer un contrôle total sur le pays.

Les événements de 2015 qui marquent le début de la crise burundaise avec de graves répercussions régionales et internationales sont la conséquence directe de son travail politique. Timide en face des puissances occidentales et impitoyable avec sa population, Nkurunziza n'a pas respecté les accords de paix d'Arusha, bloquant ainsi l'alternance au pouvoir et ignorant les quotas ethniques au sein des forces armées, du gouvernement et de l'administration publique.

Au cours des dix premières années, il avait infiltré avec succès ses partisans dans l'armée, la police et l'administration publique pour la majorité des extrémistes hutus animés par un esprit de vengeance, étouffant progressivement les espaces démocratiques, la liberté d'expression et les médias nationaux.

Cette main mise sur tous les domaines de la vie du pays lui avait permis de créer un empire économique pour sa famille et ses amis de l'ancienne rébellion aux dépens du progrès national. Le Burundi de 2014 était déjà un pays soumis à une oligarchie hutue (à l'image de l'ancienne oligarchie tutsie) avide d'argent , qui ne se concentrait pas sur le renforcement de l'économie ni sur les plans de développement, mais sur le vol systématique de ressources nationales rares aux dépens d'une population, déjà à l'époque, réduit à la faim.

Un 3ème mandat était obligatoirement nécessaire pour Nkurunziza

L'annonce de vouloir briguer un troisième mandat présidentiel, ignorant les accords d'Arusha de 2000 et la Constitution, était un choix obligatoire pour Nkurunziza. Il devait protéger les multiples intérêts financiers acquis par le contrôle forcé de diverses sociétés étatiques et privées, ainsi que les terres acquises par la duperie, la violence et la contrainte. En 2015, la popularité de Nkurunziza, contrairement à celle de son parti le CNDD-FDD (qui était resté populaire tans les milieux hutu que chez les tutsi) était à son plus bas niveau et sa défaite à des élections libres et transparentes était sans équivoque.

Cet empire économique sectaire et mafieux risquait d’être démantelé par un gouvernement élu démocratiquement. L'impopularité du régime a été mise en évidence par les manifestations de masse et multiethniques qui ont suivi sa décision d'entrer dans un troisième mandat. Des manifestations réprimées dans un bain de sang. Contrairement a la propagande des flagorneurs du régime, les masses hutues avaient rejoint les rues en grand nombre pour protester contre un mandat qui était à leurs yeux illégal.

Les massacres de civils, l'extermination des opposants politiques, des militants des droits de l'homme et de la société civile, des journalistes et des intellectuels critiques du régime, la transformation de l'aile jeunesse du CNDD (Imbonerakure), en une milice paramilitaire, l'alliance avec le groupe terroriste rwandais, les FDLR ont été des outils indispensables à la conservation du pouvoir.

Fort d'une opposition décimée et affaiblie, de forces armées décimées soumises à ses intérêts, Nkurunziza a convaincu les anciens alliés politiques (Afrique du Sud, Tanzanie, France, Communauté de Sant'Egidio) de le soutenir, malgré l'exacerbation de la dictature et la violence et a réussi à acquérir de nouveaux alliés, à savoir la Chine, l’Égypte, la Russie et la Turquie.


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