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  • FULVIO BELTRAMI: journaliste indépendant et

Vers des élections dans un climat paradoxal au Burundi: La fin ou début d'une explosion de la cr


La crise politique et sociale au Burundi, qui a commencé en avril 2015, semble être entrée dans son cycle final. Deux scénarios possibles: la victoire de la rébellion armée ou le maintien du régime actuel. Ce dernier scénario a trois volets.

Le premier voit l'acquisition du quatrième mandat présidentiel par le dictateur Pierre Nkurunziza.

Le second voit la renonciation de Nkurunziza à la présidence et la nomination de son dauphin pour lui succéder.

Le troisième, la déclaration officielle de l'état d'urgence et le report des élections accompagné de la formation d'un gouvernement d'unité nationale avec une fausse opposition dûment domestiquée et asservie.

Au milieu du mois de décembre dernier, Nkurunziza avait annoncé encore une fois sa volonté de ne pas nommer le candidat aux élections présidentielles dont la Commission électorale a déjà fixé la date: mercredi 20 mai 2020. Les élections présidentielles et municipales devant se tenir le même jour faute de moyens financiers suffisants pour soutenir deux tours de scrutin. Les élections législatives et municipales étaient initialement prévues pour juin 2020.

L'annonce de Nkurunziza, faite à Gitega lors d'une fête de voeux de fin d'année avec les forces armées du pays n'a pas été prise au sérieux par la majorité des observateurs régionaux et des représentations diplomatiques étrangères présents dans le pays.

La volonté de ne pas accéder au quatrième mandat a été confirmée dans le message présidentiel de Noël envoyé le 23 décembre à partir de la nouvelle capitale Gitega. "Cette fête est la dernière en tant que président.... ", a déclaré le dictateur.

Juste deux mois avant la clôture de dépôts de candidatures pour les élections de mai 2020, Nkurunziza réitère la promesse faite pour la première fois en juillet 2018 d'abandonner volontairement la présidence. Une vraie contradiction si vous pensez aux actions terribles cet individu a commis pour se maintenir au pouvoir contre la volonté populaire au cours des 4 dernières années : répression sanglante des manifestations, massacres; fosses communes; exécutions extrajudiciaires d'opposants et de membres de la société civile; tensions persistantes avec le Rwanda voisin, et l'exile de plus d'un demi million de burundais vers les pays limitrophes du Burundi.

Cet abandon du pouvoir est-il authentique? Quelles en sont les raisons?

On pourrait supposer que Nkurunziza a décidé d'abandonner le pouvoir car il est maintenant isolé à l'extrême (n'ayant pas quitté le pays en 4 ans), avec une armée qu'il ne contrôle plus totalement et la menace sérieuse d'une offensive militaire par les forces rebelles. Pour comprendre et prendre cette décision d'abandonner le pouvoir au sérieux, il y a des questions qui doivent trouver de réponses. S'il part, avec qui a t-il négocié son départ et quelles garanties d'immunité nécessaires pour les crimes commis pendant ses 14 années de règne de terreur a t-il reçues? Qui est le dauphin destiné à le remplacer? Quel avenir pour son parti CNDD-FDD, les milices ethno-nationalistes Imbonerakure et les terroristes rwandais FDLR, ses alliés, présents en masse au Burundi?

Toutes ces questions restent sans réponse pour le moment. Aucun accord ni compromis n'a été conclu avec l'opposition, la société civile et les forces de rébellion désormais bien installées dans le nord du pays. Aucun dauphin n'a été désigné comme candidat du CNDD-FDD. Face à ces incongruités, il est juste de se demander ce qui se cache derrière la déclaration officielle de Pierre Nkurunziza de ne pas de représenter à sa propre succession.

«Je ne vois aucune raison qui pourrait pousser Nkurunziza à abandonner la présidence et le pouvoir sans garanties pour la protection de sa personne, de sa famille et de ses innombrables intérêts financiers. Pourquoi devrait-il nommer un successeur après avoir combattu sauvagement pour maintenir le pouvoir contre la volonté populaire, lui donnant la possibilité de rester président à vie, après avoir modifié le nombre de mandats prévus par la Constitution avec le référendum de mai 2018? Pour quelles raisons Nkurunziza serait prêt à courir le risque d'être soumis à la même trahison subie par d'autres dictateurs africains qui ont abdiqué en nommant leurs dauphins qui se sont ensuite retourné contre eux: Joseph Kabila au Congo, Mohamed Ould Abdel Azizin de la Mauritanie, Jose Eduardo dos Santos d'Angola, Ian Khama au Botswana? », Demande anonymement un professeur d'université burundais.

La majorité des observateurs régionaux et de nombreuses représentations diplomatiques étrangères oeuvrant au Burundi sont enclins à croire que l'annonce faite le 23 décembre fait partie d'une stratégie de pouvoir étudiée bien qu'incompréhensible, et qu'il faut considérer comme mensongère. En déclarant qu'il voulait se retirer, Nkurunziza a déboussole à la fois la communauté internationale et l'opposition burundaise.

Pour ceux qui veulent y croire, l'annonce du dictateur annonce la fin de la crise. Pour eux, la crise, créée par le dictateur en 2015, se terminerait par son retrait de la scène politique nationale. L'annonce est cependant en contradiction avec ce qui a été établi lors d'une réunion secrète du CNDD-FDD tenue entre fin novembre et début décembre de l'année dernière où Pierre Nkurunziza a été nommé candidat du parti pour l'élection présidentielle de 2020.

L'annonce a créé une situation paradoxale

Il est vraiment difficile de comprendre la stratégie mise au point par le dictateur. Pour nombreux observateurs cette annonce n'est qu'une diversion qui cache ses véritables intentions. L'annonce a créé une situation paradoxale. Le CNDD-FDD a commencé la campagne électorale bien à l'avance, sans toutefois faire connaître le nom de son candidat à la présidentielle.

Cette campagne électorale vise actuellement à convaincre la population de ne pas manifester ou se rebeller pendant la période pré et post-électorale.

«Nous entrons dans la période électorale. 2020 est une année électorale. Des élections présidentielles, des députés et des conseillers municipaux auront lieu le 20 mai. Donc trois élections simultanées. Je voudrais souligner la nécessité d'une bonne coexistence pour garantir la sécurité et la paix avant, pendant et après les élections. Nous devons tous vivre ensemble en paix. Je le dis et je répète que nous devons vivre ensemble malgré nos divergences politiques. Nous devons bien vivre ensemble comme les gens de foi qui vont à l'église tous les dimanches et, en rentrant chez eux, saluer le voisin de religion différente. Ce sens civique doit être imité par les partis politiques. Au Burundi, nous avons accepté le pouvoir démocratique. Nous ne pouvons donc pas haïr notre voisin parce qu'il appartient à un parti opposé au nôtre." a dit Pascal Nyabenda, président de l'Assemblée nationale, samedi dernier lors d'un rassemblement.

«Nous organisons des ateliers de sensibilisation à la tolérance politique dans les différentes provinces de notre pays. Des ateliers destinés à la partie la plus vulnérable de notre société: les jeunes qui sont souvent victimes d'exploitation ", a déclaré dimanche dernier Augustin Nimubona, président du FDPPPB - Forum de dialogue permanent des partis politiques du Burundi, une organisation contrôlée par le régime.

Ces discours sont tout à fait paradoxaux étant donné qu'à partir de mai 2015 une longue saison de meurtres politiques a commencé à être mise en œuvre par le CNDD-FDD et les terroristes rwandais FDLR qui épaulent les milices Imbonerakure. Une véritable chasse à l'extermination des militants et cadres du second parti Hutu (opposé) dirigé par le porte-parole adjoint de l'Assemblée nationale et ancien seigneur de guerre, Agathon Rwasa: Le Congrès National pour la Liberté - CNL.

Le dernier événement sanglant a eu lieu dans la région de Kirundo le 6 janvier, lorsque les Imbonerakures sur ordre du CNDD-FDD ont tenté de tuer le représentant local du CNL Julien Bakanibona avec des machettes et n'ont réussi qu'à le blesser. L'attaque a eu lieu non loin de son domicile. Deux jours plus tôt, les Imbonerakures avaient arrêté en masse des militants du CNL à Nyanza-lac au sud du Burundi.

L'association de défense des droits humains ACAT Burundi, dont la majorité des membres sont contraints à l'exil depuis 2016, a publié un rapport sur les violations des droits humains et les violences commises par le régime en décembre 2019. "Comme nous l'avons rapporté dans les rapports précédents, le Burundi reste le théâtre de graves violations des droits de l'homme. Toujours en décembre (2019), des dizaines de corps sans vie ont été trouvés dans les rivières. Les exécutions extrajudiciaires sont commises par la police et les Imbonerakure avec la complicité totale des autorités administratives locales. Les menaces adressées aux observateurs indépendants du régime prédisent le caractère violent et antidémocratique des prochaines élections ", disent les dirigeants (en exil) de l'Association ACAT - Burundi.

Tout faire pour éviter les révoltes populaires de 2015

Alors que le régime intensifie la propagande pour convaincre la population de ne pas se rebeller sans déclarer son candidat aux élections, la liberté d'expression et la liberté de la presse ne s'améliorent pas. Les journalistes de l'hebdomadaire IWACU arrêtés lors de la bataille de Bubanza (22 octobre 2019) sont toujours en prison accusés de haute trahison.

Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Egide Harerimana, Terence Mpozenzi et leur chauffeur Adolphe (Dolufu) encourent une peine de 15 ans de prison pour avoir signalé les premiers combats entre les forces loyalistes de l'armée et les rebelles. Avec le renforcement de la répression des médias indépendants, quelles garanties de campagne électorale correcte et juste peut-on espérer pour les partis d'opposition?

La situation paradoxale au Burundi n'est pas seulement caractérisée par un régime en faillite, menacé militairement par des rébellions armées, une régime qui ne fait rien que de parler de la paix et d'élections démocratiques, créant une aura de mystère autour de Nkurunziza et du candidat alternatif possible; elle est aussi caractérisée par une rébellion qui s'est fait annoncée par des frappes éclaires sur les positions militaires mais qui refuse de se livrer à une offensive, préférant renforcer leur maintien des positions acquises dans la forêt de Kibira et dans les provinces de Bubanza et Kayanza.

Un autre paradoxe est que même l'offensive de l'armée et des services de sécurité du régime de Gitega contre les positions de la rébellion ne s'est jamais concrétisée. La guerre de libération semble s'être transformée en guerre de position où les deux parties opposées n'osent pas déclencher le coup de guerre décisif.

Au milieu de cette situation paradoxale, Nkurunziza a déclaré six jours de prières nationales obligatoires visant à demander à Dieu de trouver les solutions les plus appropriées pour résoudre la crise qui affecte le pays. Les six jours de prière ont été précédés d'un spectacle de danse publique du couple présidentiel: Pierre et Denise Nkurunziza. Un spectacle grotesque de deux criminels qui dansent sur des milliers de leurs citoyens et ont détruit une nation entière juste pour rester au pouvoir.


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