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Au Burundi, une présidentielle et le spectre de la violence


Des policiers de l'unité anti émeute. Photo @AP

Les réseaux sociaux étaient coupés, et la peur de bourrage des urnes très grande chez l'opposition : tel est le climat qui a caractérisé les élections d'hier au Burundi. Il s'agissait d'un triple scrutin- des élections communales, législatives et présidentielle tenues le même jour – sous très haute tension, cinq ans après les violences qui ont accompagné la réélection controversée de Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat auquel il n'avait pas droit. Depuis, le spectre de la guerre ethnique entre hutus et tutsis ne cesse de planer sur la pays, après cette grave crise qui a fait au moins 2000 morts et poussé à l'exil plus de 500 000 personnes.


Tous les burundais, qu'ils soient réfugiés à l'étranger, ou s'exprimant en cachette depuis le pays, ils le disent : une chape de plomb est depuis tombée sur le territoire burundais. Derrière le discours officiel de réconciliation nationale, la répression a changé de forme. Devenue invisible, elle continue avec le musellement des médias, les centaines de disparitions forcées, la terreur distillée par les milices Imbonerakure proches du pouvoir hutu.Tout fait craindre la reprise ouverte de massacres ethniques après le traumatisme de dix ans de guerre civile, née dans le sillage du génocide au Rwanda voisin. 


Le bras de fer de Pierre Nkurunziza avec la communauté internationale s'est soldé par un isolement du pays. Privé de la plupart de ses bailleurs directs, le Burundi a plongé dans la misère, les trois quart de la population vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté.


Le scrutin d'hier s'est déroulé en grande partie à huis clos : le gouvernement a rejeté toute mission d'observation de l'ONU, de l'Union africaine ou de la communauté d'Afrique de l'Est, l'accès à WhatsApp, Facebook ou Twitter était également bloqué aujourd'hui.


Pierre Nkurunziza, qui estime que le pays est protégé par la "grâce divine" a maintenu les élections en dépit de l’épidémie de Covid-19. Au passage, le président burundais a fait expulser la semaine dernière les experts de l'OMS chargés de conseiller son gouvernement sur la lutte contre cette pandémie.


Si le vote d'hier marque la fin du règne de Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, chacun voit son ombre derrière la candidature de son dauphin Evariste Ndayishimiye.


Réputé cependant plus ouvert que son prédécesseur, cet ancien combattant rebelle a lui aussi lutté au sein de la rébellion hutu du CNDD-FDD pendant la guerre civile burundaise – qui a fait plus de 300 000 morts entre 1993 et 2006 – contre l'armée, dominée par la minorité tutsi.


Son principal rival dans ces élections, Agathon Rwasa, 56 ans, hutu lui aussi, est issu d'un autre mouvement rebelle, Palipehutu-FNL. Sept candidats étaient en lice pour ce vote dont les résultats devraient être connus en début de semaine prochaine.


En attente de ces résultats, des rumeurs de bourrage des urnes circulent sur les réseaux sociaux qui apparemment sont désormais fonctionnels. Le régime du CNDD-FDD a arbitrairement arrêté la grande majorité de mandataires (observateurs) du parti rival le CNL et serait entrain de falsifier les procès verbaux pour s'octroyer un score stalinien. Cependant, il parait que le CNL a pu documenter en images des procès verbaux montrent sa dominante performance et par conséquent ne serait pas prêt à se laisser faire.


Si le CNDD-FDD se laisse emporter par sa volonté de garder ses mains sur les leviers du pouvoir, une crise plus profonde risque de s'abattre sur le pays. C'est ce risque qui fait peur aux burundais qui vivent encore une crise déclenchée en 2015 par le même parti.

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