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Et si les élections de 2020 confirmaient de nouveau la maturité politique du peuple burundais?

Par Daniel Kabuto ||

Les généraux Adolphe Nshimirimana (assassiné le 2 août 2015 à Bujumbura lors d'un attentat à la roquette) et Alain Guillaume Bunyoni, actuellement ministre de la sécurité publique et gestion des catastrophes.

Le président sortant Pierre Nkurunziza aime se comparer au patriarche juif Moïse. Ancien rebelle, il s'appuie sur la lutte armée du CNDD-FDD pour revendiquer l'exploit de la transformation des forces de défense et de sécurité du Burundi.


Oui, ce fut une tâche titanesque et la plupart des Hutus se félicitent à jamais de la fin du cauchemar de l'armée qui massacrait la population. Du moins dans le passé des pogroms de 1972, 1988, 1993. Hélas, 2015 a montré qu'il y avait toujours anguille sous roche. Ce fut une autre histoire.

Nkurunziza ignore-t-il que le patriarche juif Moïse, bien qu'il fût l'élu de Dieu pour sortir son peuple d'Égypte, n'a pas été béni pour fouler le pays du lait et de miel? Parce que par son tempérament, il avait tué un contremaître égyptien (alors que la vengeance n'appartient qu'à Dieu) et il avait souvent douté du plan de son Créateur envers son peuple. La comparaison à Moïse est-elle prémonitoire?


Avec quel guide pour entrer en terre promise?


Il convient de rappeler que la constitution de 2018 place Dieu en bonne position dans les affaires étatiques. Si le guide suprême n'est pas prévu comme institution, une loi en fait une personnalité importante qui doit être consultée sur bien des questions vitales de la nation. Mais seul le gouvernement devra conduire la politique du pays et en répondre.

Le président de la République nommera un Premier Ministre, chef du gouvernement. Et le parlement va, espérons-le, contrôler l'action du gouvernement au nom du peuple souverain. L'enjeu de ces élections, au-delà de la course au fauteuil présidentiel si juteux et si prestigieux, est surtout le partage du pouvoir aussi bien au gouvernement qu'au parlement.


Le score stalinien pour quelque tendance que ce soit ne serait point le bienvenu. Il est vrai que le propre des élections est de réserver des surprises. Et l'histoire pose souvent des lapins aux insensés qui croient qu'elle leur donne des rendez-vous!

Fort heureusement pour notre Burundi chéri, il y a tellement cette soif volcanique du changement qu'elle draine et mobilise les foules en ville comme sur les collines avec une multitude de candidats aussi bien courageux que populaires, en réalité ou en apparence! Dans ce contexte bien complexe et propice aux tensions, face à cette équation à plusieurs inconnues, le CNDD-FDD survole le pays comme s'il lui était déjà acquis de faire la pluie pour les Mujeri et le beau temps pour les autres. D'où ses prières trop païennes, ses piques acerbes envers le colon bouc-émissaire.

Evariste Ndayishimiye, héritier du trône par la volonté du dieu de Nkurunziza, voilà le successeur de Moïse pour le changement dans la continuité!


A vaincre sans péril...


Crier victoire avant l'heure n'est pas du tout du nouveau au Burundi. Cependant, c'est à la fois un mépris envers les électeurs (surtout quand le régime ne préparerait qu'une mascarade électorale) et le comble de la vanité (quand on sait que les Burundais savent infliger des camouflets).

En 1961, les colons belges espéraient la victoire de leurs lièvres. Rwagasore sortit victorieux des urnes. En 1993, tous les pronostics occidentaux tablaient sur la victoire du major Pierre Buyoya. Melchior Ndadaye l'emporta haut le poing. Au Burundi, pour gagner l'élection sans péril, il suffit d'empêcher les adversaires de faire campagne, les électeurs de voter librement et le cas échéant créer un climat favorable aux émeutes. Et les vieux démons se réveillent vite avec leur lot de victimes expiatoires.


Les mensonges portent des fleurs...


Le peuple burundais sait très bien lire les signes du temps et prendre le taureau par les cornes, exprimer sa gratitude ou sanctionner les manquements graves. En 15 ans de règne, le CNDD-FDD a fait des réalisations inédites en termes d'infrastructures, d'investissement au niveau communal et d'avancées remarquables vers la vérité sur les tragédies qu'a connues le pays depuis bien des décennies.

Cependant, les luttes pour l'avoir et le pouvoir surtout en interne, ont éprouvé des essaims de Burundais. Si le pillage des ressources et l'enrichissement illicite peuvent être excusés en tenant compte du parcours de ces anciens damnés de la terre parvenus aux commandes de l'Etat, les crimes de sang ont sérieusement entamé la réputation de "freedom fighters" des anciens rebelles.

D'aucuns ont fini par comprendre que la folie des grandeurs mène aux mêmes maux, peu importe que le grand manitou soit de telle ou telle autre ethnie. "Ce n'est pas l'ethnie le problème mais plutôt les régimes sanguinaires"!

Bien des anciens combattants ont été oubliés lors du partage du butin quand ils n'étaient pas utilisés dans de sales besognes et éliminés après la mission. Ainsi, une pléthore d'assassinats politiques ou de disparitions sous le règne de Nkurunziza gagnerait à être élucidés. On parle de moins en moins de l'élimination spectaculaire du général Adolphe Nshimirimana. On oublie facilement les agents de renseignements, les membres de la ligue des jeunes Imbonerakure qui ont été tués ou sont portés disparus alors qu'ils accomplissaient ou venaient d'accomplir des missions dignes d'anges de la mort.

Est-ce payant de tout imputer au colon ou au voisin du Nord? Non. Les Burundais savent. Ils distinguent la manipulation de l'engagement pour un nouveau cap. "U Burundi bugona buri maso"!


Il est grand temps que les bains de sang cessent; que les réfugiés et les déplacés internes regagnent le bercail; que l'impunité n'ait plus droit dans la cité. Et ce peuple burundais sait qu'un bulletin de vote gagne la guerre que les munitions n'ont pas réussi à trancher. Et pour ce nouvel horizon, le peuple ne veut plus des bricolages d'Arusha, du cynisme des monstres sacrés ou des fuites en avant des mauvais perdants.

Le peuple ne veut plus du paternalisme occidental. Le peuple veut plus que jamais jouer son rôle librement et largement. Est-il versatile ? Disons qu'il chérit le changement. Il sait que la liberté comme la dignité s'arrachent.

Comme en 1961, en 1993 ou en 2005, le peuple a un grand rendez-vous avec l'histoire. Malheur à celui qui voudra aller à l'encontre du verdict des urnes. Le régime sortant porte une grande responsabilité comme Buyoya en 1993. Un nouveau départ, voilà ce qu'il faut au peuple burundais. Les embûches doivent être surmontées avec courage et détermination.

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