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Evariste Ndayishimiye peut-il prendre le risque de marcher sur les traces de Nkurunziza ?

Par Daniel Kabuto \\

Président Général-Major Evariste Ndayishimiye

Dans son discours d'investiture, le nouveau président du Burundi n'a pas tari d'éloges à l'endroit de son mentor et prédécesseur disparu subitement suite à une crise cardiaque. Evariste Ndayishimiye s'est engagé à emboîter le pas et parachever les chantiers laissés par le guide suprême du patriotisme.


Hommages sur fond de myopie politique


Evariste Ndayishimiye s'est félicité des réalisations exceptionnelles de son prédécesseur :" un grand homme d'Etat, un homme de parole, un vaillant défenseur de la réconciliation" (...) qui nous laisse "un pays florissant, un pays paisible". Sur ces affirmations, les Burundais sont partagés.

Les uns font remarquer que les Burundais tirent le diable par la queue, souffrent de tous les maux et que Nkurunziza laisse un pays au bord d'un gouffre économique sans précédent. Pour les inconditionnels du système CNDD-FDD, le pays se fait respecter dans le concert des nations et c'est ça qui compte! Tout est sous contrôle, les détracteurs du système sont malmenés, mis hors d'état de nuire à la digestion des faucons, pardon des aigles qui ont des griffes partout.


Des colères et des mœurs d'ailleurs...


Le président Evariste Ndayishimiye s'est emporté contre les donneurs de leçons occidentaux. Comme quoi derrière le cheval de Troie des droits de l'homme, les Occidentaux auraient trouvé un moyen de contrôler les pays du tiers-monde. La faute aux autres?

Pour Evariste Ndayishimiye, c'est de la provocation et une entorse grave aux valeurs ancestrales du Burundi. " Imaginez qu'ils demandent aux Burundais de faire respecter les droits de l'homme au moment où ils font chez eux des tueries un mode de vie; au moment où des personnes s'accouplent avec des animaux; au moment où les gens de même sexe ou les frères et des sœurs se marient entre eux"! Les clichés et non des vérités nationales à coup sûr.

Un président de la République s'arrête-t-il au niveau des clichés ? Peut-on réduire les Occidentaux aux simples clichés de l'euthanasie, de l'homosexualité ou des déviations marginales d'un nombre insignifiant de personnes qui pratiquent la zoophilie ? Par contre, durant les quinze années de règne de Nkurunziza, des milliers de Burundais ont été tués, jetés dans des rivières, portés disparus ou poussés à l'exil.

Est-ce ici l'illustration du respect des valeurs ancestrales qui interdisent de faire du mal même à un lézard ? Comme c'est facile de regarder la paille qui se trouve dans l'œil de son semblable et d'ignorer la poutre qui vous obscurcit la vue!

Attribuons ces jugements malheureux à l'épaisseur du manteau de deuil qui s'étend encore sur le pays suite au décès inopiné du guide suprême. Après les funérailles, Evariste Ndayishimiye n'aura aucune excuse ou du moins les rédacteurs de ses discours à deux sous. Une honte pour le pays.

Hélas cela semble perdurer, Nkurunziza ne nous avait-il pas habitué à ce genre de discours surréalistes? Il faut exorciser son fantôme et tourner cette page si sombre.


Retour de l'État-providence ?


Le président Evariste Ndayishimiye s'est engagé à mettre en place un gouvernement qui soit comme une mère ou un père pour tout Burundais, en quelque sorte un État providence. Il a promis un gouvernement qui se soucie en permanence de l'avenir de tout citoyen burundais. Il compte sur l'aide de Dieu pour y arriver. De la poudre aux yeux? Ce dont les Burundais rêvent, c'est d'un gouvernement qui garantisse l'égalité des chances pour tous, la justice pour tous, la dignité pour tous et un climat de paix et de sécurité qui favorise l'investissement et la création d'emplois. L'État-providence est un leurre, une option anachronique.

Au Burundi et sous le règne de Nkurunziza, malgré la gratuité de l'enseignement de base, les cas d'abandon d'école pour raison de pauvreté se sont multipliés. Les cas d'élèves tombées enceinte sous les œuvres des enseignants ont l'allure d'un fléau surtout que dans la plupart de ces scandales, les auteurs jouissent de l'impunité lorsqu'ils se réclament du parti au pouvoir !

L'Etat fort et respectable dont rêve tout Burundais est celui qui ne tolère point la corruption, les assassinats, les enlèvements et les disparitions des filles et fils du pays, qui fasse cesser les détournements des deniers publics, qui mette hors d'état d'agir les pilleurs en col blanc qui ont fait main-basse sur le sous-sol et font que 80% des rentrées échappent au contrôle du fisc.

En effet, qui ne se souvient plus du discours de l'ancien vice-président Gervais Rufyikiri dénonçant "amasiha" avant de se rétracter sous la pression des gangsters devenus faiseurs de la pluie et du beau temps sous le règne de Pierre Nkurunziza ?

Aurait-on déjà oublié la révélation du vice-président Joseph Butore reconnaissant explicitement que les minerais et les revenus des terres rares enrichissaient un groupe mafieux au grand dam du trésor public ? Un État fort ne devrait-il pas se reconnaître à la gestion transparente de ses créneaux porteurs de croissance et de lendemains meilleurs pour les citoyens ? Quand on veut guérir d'un mal, il faut accepter le diagnostic et se faire soigner.


L'échappatoire du colon qu'on stigmatise!


Pour Evariste Ndayishimiye certains Burundais agissent comme des marionnettes des colons. "Et en cas d'échec de leur mission, ils se hâteraient de rejoindre leurs maîtres !" Comme si les Burundais qui ont rejeté le troisième mandat de Nkurunziza avaient commis un crime de haute trahison.

Et pourtant, l'esprit et la lettre de l'accord d'Arusha allaient dans ce sens. Deux mandats, peu important le mode d'élection: suffrage universel direct ou indirect.

Le colon que le régime CNDD-FDD fustige est sans doute celui Occidental. C'est une fuite en avant quand on sait que ceux qui sont au pouvoir pillent le sous-sol, s'adonnent aux détournements tous azimuts, pratiquent la surfacturation des marchés publics et tirent les ficelles d'innombrables commerces en contrebande. Sont-ils devenus des colons qui s'ignorent?

S'attaquer aux Burundais jouissant de la double nationalité releve de la discrimination. C'est un procès malhonnête contre l'histoire nationale quand on sait que depuis bien des décennies, les Burundais sont contraints à l'exil et finissent souvent par adopter aussi la nationalité de leur pays d'accueil. Ils gardent pourtant un attachement fort avec leurs racines et sont loin de se retrouver dans la qualification de traîtres. C'est trop cynique cette manie du CNDD-FDD de tourner le couteau dans les plaies des victimes pour les faire passer pour des auteurs de complots ou des ennemis du pays.


Cette diaspora qu'on aimerait presser comme un fruit ou mettre au pas !


Le président Evariste Ndayishimiye appelle la diaspora à investir dans la mère patrie. Aux réfugiés, il invite au retour au bercail. Silence sur les raisons qui ont poussé à fuir. Comme si cette mère qui a vu son époux ou son fils trépasser sous la torture affreuse des agents de sécurité ou des miliciens devait oublier et rentrer l'âme en peine! Comme si les criminels qui sèment toujours la désolation dans les quartiers comme sur les collines étaient dans leur bon droit de sévir ! Un dialogue franc et large n'est-il pas un préalable avant tout retour volontaire des réfugiés?

Le bureau de l'ombudsman, la CNIDH, la CVR, la CNTB, la CENI ont montré sinon leurs limites du moins leur partialité. Et comme il faut exclure toute médiation étrangère, Evariste Ndayishimiye invite tout simplement à se rendre. Malheur aux vaincus!

Pérenniser la vision du président Nkurunziza ?


Dans son discours-fleuve, Evariste Ndayishimiye a clôturé en fustigeant le paternalisme de certaines puissances. "Résister à ceux qui veulent semer la zizanie et privilégier le dialogue"!

Et pourtant la révolte naît dans les cœurs des opprimés ! Tant que la justice fonctionne selon les ordres de l'exécutif, aussi longtemps que les pouvoirs publics pratiquent le clientélisme, le favoritisme et le népotisme, on aura beau jeter le tort aux étrangers, le ver qui ronge la paix sociale se portera comme un charme.

Aux grands maux il faut toujours de grands remèdes. Lors de son discours d'investiture, le président Evariste Ndayishimiye a fait fi des maux pour se donner en spectacle avec le déni et l'autosatisfaction. Une occasion gâchée.

Disons que son discours était tout sauf rassurant. Il a laissé les Burundais et les amis du Burundi à leur soif du changement. Sans doute la continuité serait-elle une erreur grave qui hypothéquerait dangereusement les chances du Burundi de sortir de l'ornière et du mythe de Sisyphe.

Espérons que dans l'avenir notre président ait le verbe haut et un meilleur cap vers lequel conduire le navire national. On juge le maçon au pied du mur. Mais le discours d'investiture aura été de mauvais augures comme d'ailleurs cette intronisation alors que le cadavre de Nkurunziza était mis entre parenthèses: un mort qui dérange certaines consciences sans doute.

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