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L'histoire ne sera pas indulgente avec Nkurunziza

Par Prof David E Kiwuwa


General Evariste Ndayishimiye et feu Pierre Nkurunziza lors d'une campagne électorale

Pierre Nkurunziza, ex-président burundais passionné de football et pasteur autoproclamé, est décédé à l’âge de 55 ans. De toute évidence, cette mort a été des plus cruelles. Il allait céder le pouvoir à son successeur trié sur le volet, le général Evariste Ndayishimiye.


Ndayishimiye, un ancien général de l'armée, a récemment remporté une élection controversée dont les résultats ont été réaffirmés par la Cour constitutionnelle. C’était la première fois ( après le transfert de pouvoir de Buyoya a Ndadaye en 1993, ndlr) dans l’histoire du Burundi que le pouvoir était transféré pacifiquement d’un dirigeant à un autre, bien que du même parti.


Alors, que signifie le décès de Nkurunziza pour le processus de transition au Burundi? Et aux relations régionales du Burundi?


Une main de fer


Nkurunziza était président du Burundi pour une période de 15 ans. Il est arrivé au pouvoir élu par le Parlement en 2005, remportant plus tard deux élections populaires controversées.


Il a régné avec une main de fer, faisant peu de compromis. Par exemple, son insistance en 2015 à changer la constitution pour lui permettre d'avoir un troisième mandat controversé au pouvoir a plongé le Burundi dans des troubles civils aux proportions proches de la guerre civile. Des milliers de personnes sont mortes et beaucoup de centaine de milliers ont fui le pays.


Selon la plupart des observateurs, Nkurunziza était un membre de l'aile dure au sein de son parti le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie). Il a orchestré des purges à grande échelle des opposants et un étouffement cruel de la presse. Il a également supervisé la montée des Imbonerakure - la milice tant redoutée qui terrorise tous les opposants.


Son décès prématuré offre donc à la nation de presque 12 millions d'habitants la possibilité de tracer une nouvelle voie.


La transition


La transition politique du Burundi est ancrée à la décision de Nkurunziza de ne pas briguer un quatrième mandat. Une décision qu'il avait signalée pour la première fois en 2015 et réitéré en 2018. Après des élections controversées qui ont déclenché une crise politique grave, Nkurunziza a dû comprendre les ramifications de son potentiel maintien au pouvoir.


Sa décision de «se retirer» a contribué à tempérer l'opposition politique interne et fragmenter l'opposition en exile qui était déterminée à contester violemment le statu quo. Le choix d'un successeur, comme le font nombreux hommes forts africains, a assuré à la fois le changement et la continuité - des actions empruntées du livre de jeu de voisins tels que Kabila de la République démocratique du Congo et Eduardo de Santos de l'Angola.


Il est donc hautement improbable que la transition au Burundi s'écarte radicalement du statu quo existant, étant donné l'existence d'intérêts enracinés, en particulier les élites militaires qui les vrais decideurs ausein du parti au pouvoir.


Le fait qu’il existe un parti dominant et institutionnalisé garantira la continuité idéologique, la pérennité du régime et l’enchaînement stratégique de la transition ou de la succession.


Il est également crucial de comprendre que lorsque des dirigeants autoritaires meurent au pouvoir, le plus souvent les élites du régime se rallient au parti au pouvoir plutôt que de se fragmenter. Les élites du régime sont mieux servies en assurant le maintien du statu quo.


Dans le cas du Burundi, cela signifie se rallier autour d'Evariste Ndayishimiye, le successeur choisi par Nkurunziza. Il est donc peu probable que la mort subite de Nkurunziza entraîne un changement de cap fondamental.


Protéger l'héritage


En sélectionnant le secrétaire du parti, Nkurunziza a veillé à ce que son héritage ne soit pas remis en cause ou déraillé par l'opposition. Bien qu'il aie voulu pour successeur le président du parlement sortant, idéologiquement le continuité est assurée par Evariste Ndayishimiye qui est plutôt le choix des généraux qui contrôlent le pays et le parti au pouvoir.


D'ailleurs face à ce choix qui paraît avoir été imposée par les généraux, Nkurunziza avait pris d'autres mesures pour s'assurer que son influence sur les affaires de l'État allait se poursuivre sans interruption. Il s'était désigné le rôle de «guide suprême du patriotisme». Cela visait sans doute à assurer un président successeur «asservi» dont la fortune aurait été à la demande de l'ancien président.


Le nouveau président est considéré comme plus ouvert d'esprit et moins enclin à la violence que les autres généraux. Mais la mort de son prédécesseur ne lui donne pas nécessairement la possibilité de faire ce qu’il veut, étant donné la nécessité d’équilibrer les divers intérêts de l’élite au sein du parti et de l’armée.


Le nouveau dirigeant du pays devra également envisager de réparer les clôtures avec ses voisins.


Les relations régionales et internationales du Burundi sont passées de glaciales à toxiques. Le Burundi a imputé la tentative de coup d'État ratée contre Nkurunziza en 2015 à son voisin du nord, le Rwanda. Les relations bilatérales et la confiance ont plongé à un niveau record.


Sous le régime de Nkurunziza, le Rwanda considérait le Burundi idéologiquement sympathique aux rebelles FDLR qui combattent le gouvernement rwandais. À son tour, le Burundi a accusé son voisin de soutenir activement les opposants au régime du CNDD-FDD. Beaucoup de ces opposants ont trouvé refuge au Rwanda. Des milliers de réfugiés aussi. La relation personnelle de Nkurunziza avec le leader rwandais Paul Kagame était, au mieux, glaciale. Sa mort présente l'occasion idéale de réinitialiser les relations entre le Burundi et le Rwanda.


Paria mondial


Le Burundi sous Nkurunziza a été présenté comme un paria mondial. Le soutien financier et économique international a été pratiquement gelé. Longtemps accusé de violations flagrantes des droits de l'homme, le Burundi est devenu hostile à la communauté internationale. Il a purgé les ONG nationales et internationales et expulsé le personnel des institutions internationales. Le représentant national de l’Organisation mondiale de la santé a été la victime la plus récente.


Le président Ndayishimiye a maintenant la possibilité d'être son propre homme et de tracer une voie différente pour le Burundi. L'espoir est que ce chemin mène à la prospérité, la paix et un bon voisinage avec le monde extérieur.


David E Kiwuwa, professeur agrégé d'études internationales, Université de Nottingham


Cet article est repris de The Conversation sous la "Common creative licence".

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